La Société Générale rejoint le camp des opposants à l’attaque russe contre l’Ukraine en mettant fin à ses activités en Russie. Elle va céder la Rosbank, sa filiale locale qui gère près de 5 millions de comptes de particuliers, au groupe russe Interros Capital de l’homme d’affaires Vladimir Potanine.
La banque française n’a pas décidé tout de suite de rejoindre l’ensemble des entreprises occidentales qui se retirent de Russie en signe d’opposition à l’invasion de l’Ukraine. Plusieurs banques notamment BNP Paribas, Crédit Agricole, l’allemand Commerzbank ou l’américain JP Morgan Chase, avaient déjà suspendu toute activité sur le marché russe. La Société Générale restait discrète sur ses intentions.
C’était sans compter avec l’administration russe : celle-ci a déclaré la banque Rosbank « banque non-résidente » du fait de la présence de l’établissement français dans le capital. Ce statut l’a privée de certains mécanismes réservés au secteur bancaire. Le Service fédéral des huissiers de justice refuse désormais de reverser à la Rosbank les créances prélevées sur ses débiteurs et à sa demande, justifiant cette rétention par des « contre-sanctions » appliquées par la Russie. Des actes hostiles qui ont du peser dans la décision de la Société Générale de quitter le marché russe devenu à ce point inhospitalier.
Pour la banque française c’est la fin d’une épopée mouvementée où elle a eu constamment à lutter contre la corruption endémique chez les dirigeants russes hérités du rachat de la Rosbank. Une corruption qui avait donné lieu à des séquences spectaculaires comme l’arrestation du DG russe de la Rosbank en plein comptage de la mallette de billets qu’il réclamait à un entrepreneur en échange d’une autorisation de prêt. L’intervention a été filmée et diffusée par la police. Quelques mois plus tard on apprenait que le dirigeant corrompu était « lavé de tout soupçon » et les policiers à l’origine de l’arrestation, poursuivis pour « excès de zèle ». La justice russe sait fermer les yeux quand l’argent coule à flot.
D’autres épisodes sont restés moins connus comme celui du contrat sur la tête d’un cadre français, auditeur trop perspicace, contrat passé par son collègue russe auprès du milieu local. Trop de curiosité nuit à la santé, le service de sécurité interne avait été obligé de mettre le cadre français à l’abri dans la nuit en attendant le premier avion pour Paris. La Société Générale avait investi des moyens pour nettoyer ces écuries d’Augias, typiques de l’univers bancaire russe. Interros recevra une banque bien plus conforme aux standards internationaux que celle qu’il avait vendue.
Le prix de vente de la Rosbank, 3,1 milliards d’euros, est de moitié inférieur à ce que la Société Générale avait payé pour acheter la banque à ce même Interros Capital quelques années auparavant. Mais le départ de Russie a été bien accueilli par le marché, l’action de la Société Générale a bondi de 5% à cette annonce. Visiblement la levée des risques liés à l’instabilité du cadre légal en Russie, a rassuré les investisseurs.
L’annonce de la Société Générale intervient après celles de Renault et de Decathlon qui avaient stoppé les activités sans pour autant formaliser un retrait. On imagine que chez Danone ou chez Auchan la question est aussi posée. Dans l’état actuel du marché russe la recherche de repreneurs peut prendre du temps.
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