Les livraisons de gaz et le ferroviaire russes sont menacés par le retrait de Siemens, principal pourvoyeur d’équipement.
L’annonce a fait beaucoup de bruit quand la Russie a réduit de 60% ses livraisons de gaz à l’Europe par le gazoduc Nordsteam. Les livraisons par le sud vers la Bulgarie notamment ont aussi été réduites. La France ne reçoit plus une once de gaz russe par les tuyaux. Le Kremlin est-il en train de dégainer son arme ultime contre l’Europe ? L’UE s’y était préparée, ayant d’autres sources d’approvisionnement. La Russie n’a pas réussi à créer un drame à son profit.
L’argument avancé par le Kremlin mérite attention : Gazprom ne peut plus livrer le gaz car il n’a pas reçu les équipements nécessaires. L’argument a un fond de vérité, ces turbines pour le pompage sont fabriquées par Siemens. L’industriel allemand respecte les sanctions et ne compte pas les livrer. L’administration russe vient de découvrir qu’elle était entièrement dépendante de Siemens pour son activité économique préférée : le commerce du gaz.
L’industriel allemand assemble aussi des turbines en Russie dans une JV avec le russe Silovie Mashini, dont il détient 65%, et c’est encore lui qui fournit les pièces les plus importantes de cet équipement de haute technicité. Autant dire qu’il n’y a pas beaucoup d’alternatives à ses produits.
L’annonce du départ de l’allemand a provoqué un choc à Moscou. L’industriel était présent en Russie depuis 150 ans. L’administration russe comptait sur lui pour tous les projets à haute technologie qui dépassent les compétences des industriels locaux. Mais chez Siemens personne n’a oublié qu’il s’était déjà fait voler des équipements par cette même administration il y a quelques années. Des turbines lui ont été commandées soi-disant pour une centrale électrique en construction dans la région de Rostov… mais elles ont été transportées en cachette vers une centrale électrique en Crimée occupée, sous sanctions et où l’industriel allemand refusait de livrer. Les dirigeants de Siemens savent ce que vaut la parole des officiels russes.
Les turbines ne sont pas la seule activité de Siemens en Russie. L’industriel a aussi la charge des motrices et des trains pour les lignes de chemin de fer à grande vitesse à travers le pays. Son train Sapsan relie Moscou à St Petersbourg en mode TGV en moins de quatre heures, contre neuf à dix heures pour un train normal. Avec une douzaine de trains chaque jour, cette ligne était exemplaire de la modernisation du ferroviaire en Russie.
Moins connus mais tout aussi spectaculaires, les trains rapides Lastochka circulent sur plusieurs dizaines de destinations dans différentes régions russes, la plupart au départ des grandes villes. Désormais les Sapsan et les Lastochka sont privés de pièces détachées. RZD, la compagnie des chemins de fer russes a déjà réduit le nombre de trains circulant sur ses lignes. Les locomotives et les trains immobilisés serviront de « nourrices », de source de pièces détachées pour entretenir les trains en circulation.
La même méthode est déjà utilisée pour entretenir le parc des « Vorovanny Boeing » (« les Boeing volés »), ainsi qu’on appelle en Russie ces avions auparavant exploités en leasing et que le gouvernement russe a refusé de restituer à leurs propriétaires au début de la guerre. Une partie du parc est immobilisée au sol et sert de source de pièces détachées pour ceux qui volent encore. Ces avions sont interdits de vol par leurs constructeurs respectifs car leur sécurité n’est plus garantie. Les mêmes restrictions pourraient bientôt s’appliquer aux trains Sapsan et Lastochka. Le gouvernement russe ne tient aucun compte de ces limitations.
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