La Lada Granta Classic 2022, dernier modèle d’Avtovaz sorti en juin 2022, a fait rire jaune les conducteurs russes tant elle symbolise le retour aux Lada d’antan. Cette voiture n’a pas d’ABS, pas d’airbags, peu ou pas d’électronique de bord, pas de positionnement GPS/Glonass. Elle est dépourvue d’autoradio. Son moteur n’est pas équipé de l’électronique permettant de réduire les émissions, pas de pot catalytique non plus. La voiture est certifiée Euro-2, cette norme environnementale était en vigueur entre 1992 et 1995. Ce modèle signe le recul du marché automobile russe de près d’un quart de siècle.
C’est le premier modèle mis en assemblage depuis le départ complet de Renault de Russie. Avec le retrait du constructeur français et d’un grand nombre d’équipementiers occidentaux dont ses fournisseurs attitrés, son ex-filiale russe a perdu l’accès aux technologies modernes de l’industrie automobile. L’usine Avtovaz est restée à l’arrêt pendant plusieurs mois. Pour lui permettre de redémarrer le gouvernement a adopté en urgence une loi supprimant toutes les réglementations en matière de sécurité et d’environnement. Les constructeurs locaux peuvent désormais assembler des voitures sans ABS, sans airbags et de manière générale, sans électronique de sécurité à bord. Côté critères environnementaux, le marché automobile russe était à la norme Euro 5 et se préparait à rejoindre Euro 6, en vigueur en Europe. Désormais tous ces critères sont abolis, les exigences en matière de pollution sont revenues à la norme « Euro 0 », celle en vigueur en 1988. Trente-quatre années de développement du marché automobile russe ont été effacées en quelques semaines.
En partant Renault a abandonné ses parts – 68% du capital d’Avtovaz – à NAMI, un centre de recherches sur l’automobile. Situé à Moscou, ce centre avait contribué au développement de l’industrie automobile à l’époque soviétique. Aujourd’hui il n’est plus sollicité que pour des recherches dans le domaine du transport militaire et n’est pas engagé sur le marché des véhicules de tourisme. Le transfert des parts de Renault à NAMI sans contrepartie apparait comme une manière de se dégager tout en gardant l’option de les récupérer un jour si la situation géopolitique devait évoluer. Quant à l’usine à Moscou, ex-Avtoframos et propriété à 100% du constructeur français, elle a été définitivement arrêtée sans aucun projet industriel à la sortie. La Mairie de Moscou caresse le projet de trouver un constructeur auto chinois pour y monter à nouveau une activité d’assemblage.
La décision de quitter la Russie a du s’imposer à Renault compte tenu de l’état dégradé de la consommation locale. Sur le marché automobile la baisse des ventes est radicale : moins 83,5% en mai 2022 par rapport au même mois 2021, et après une baisse de 78,5% en avril et 63% en mars. La plupart des constructeurs et équipementiers occidentaux ont mis leurs usines à l’arrêt et, pour certains, ont quitté la Russie. Mazda, Mercedes, Michelin, Mitsubishi, Nissan, Porsche, Subaru, Stellantis (PSA), Tata Motors, Toyota, Volkswagen, Yokohama, Skoda, Volvo, Scania, Rolls Royce etc. La liste fait le tour de l’industrie automobile mondiale, plus de vingt-cinq marques partantes. Les coréens Hyundai et Kia préparaient l’arrêt de l’assemblage sur place en gardant les importations.
Michelin a stoppé son usine de pneus à Davidovo qui employait 750 personnes et il a annoncé l’arrêt de toutes ses activités en Russie, tout comme ses concurrents Continental, Bridgestone, Yokohama. Pour le pneumaticien français la Russie représentait 2% de son chiffre d’affaires global. Cela ne signifie pas le déficit des pneus dans l’immédiat car il reste des stocks pour l’équivalent d’une année de consommation selon les analystes. Les pneumaticiens locaux continuent de produire, leurs pneus sont demandés sur le segment d’entrée de gamme.
Deux équipementiers français, Faurecia et Valeo restent pour l’instant en Russie profitant du grand manque de composants pour les constructeurs locaux.
Résultat du retrait de la plupart des fournisseurs, le marché des pièces détachées pour la réparation a vu des hausses de prix allant jusqu’à plus 500%. La moyenne du marché pour les réparations couvertes par les assurances a augmenté de près de 100% en avril selon le cabinet Russian Automotive Market Research. La Chine reste la principale source d’approvisionnement, avec beaucoup de pièces issues de la contrefaçon dans l’offre.
Abonnez-vous pour lire tous les articles du Fil Franco-Russe : Profitez de notre offre d’essai gratuit